Octobre 2021 - La Lettre d’Amélie n°5 : CORSE

La musique de la région pour accompagner votre lecture :



Lundi 18 octobre 2021

Cher ami voyageur,

Pour qui aime la montagne, la Corse est une terre d’émerveillement, un
« pays où, de surcroit, la montagne tombe à pic dans la grande bleue, tout en ondulations pour former des golfes clairs aux couleurs des mers du sud ».

En l’an de grâce 2003, pourtant, « j’ai fait le vœu de fouiller l’âme corse dans le cœur vert palpitant de ses montagnes, abandonnant la joie facile de ses eaux bleutées. Comme les bergers, j’ai très vite quitté le littoral pour cheminer vers les pâturages de montagne en traversant les défilés de l’Inzecca, des Strette et le col de Sorba. Là, j’ai compris que la Corse est loin des réalités administratives, bien plutôt cloisonnée en régions selon ses bassins de production : la Castagniccia, royaume de la châ-taigne, la Balagne et le cap Corse, pays des oliviers, et la plaine orientale, toute dévolue à l’arboriculture.

J’ai fouillé l’âme corse au plus profond de ses chants polyphoniques sacrés et profanes, y cherchant une douleur lointaine exacerbée par les querelles, les guerres… mais je n’ai retenu qu’une chose : « Leurs rêves à eux parlent de reconnaissance, de fraternité, d’humanité. Ce qui les lie à leurs terres ne les oppose pas à tout ce qui les lie aux hommes, à tous les hommes, à tous les peuples. » (I Muvrini) 
L’esprit bourdonnant du chant lancinant de la cornemuse, relevé par l’accordéon et la vielle à roue, je me suis laissée transporter vers cet Orient que vinrent chercher ici même les artistes, les écrivains, les aristocrates. Là, je n’ai entendu qu’une envie de paix comme un feu de joie qui n’attend que d’exploser. Une envie si longtemps contenue qu’elle a fini par se charger de fougue, d’une ouverture vers l’autre.”

C’est cette ouverture que je devais vivre dans une rencontre bien improbable avec Maurice qui me livra le plus beau des cadeaux : l'hospitalité corse et le partage de ses poèmes. Cette énergie de l'ouverture du cœur est encore bien vivante, dans le partage à travers la lettre d'Amélie d’un voyage conté par Isabelle Caratti, musicalisé par Olivia Colboc
 

Grimpez-vous à bord de la bulle ? 


Photo : Eva Bigeard

La musique d’Amélie, propice au voyage, nous vous la partageons en outre avec émotion : http://www.voyageinterieur-enfrance.com/#musique

En Corse, qui célèbre les épousailles de la mer et de la montagne.


EXTRAIT du voyage en Corse,
où la montagne se fait l'écho des chants polyphoniques


”Plus au sud, la vieille cité impériale d’Ajaccio, sous des airs de capitale dynamique et bruyante, invite à descendre le Cours Napoléon vers la mer, puis, tout au bout, à prendre la direction des îles Sanguinaires. Amélie les atteignit par la mer, à cette heure où l’imagination féconde les voit teintées du sang des pirates barbaresques. À cette même heure, une bourrasque de vent – était-ce le libeccio ? le ponente ? le sirocco ? – l’envoya faire un survol des aiguilles de Bavella. Dents aiguisées, cheminées de fées, orgues de porphyre mauve déployées dans l’immensité du ciel au beau milieu d’une forêt de cèdres, de pins et de châtaigniers, projetaient le promeneur loin, très loin, dans des parcs dignes de l’Ouest américain.

      Encore davantage sous le charme, mais toujours non résolue à regagner sa chambre tant les plaisirs du nomadisme la gagnaient, Amélie se laissa conduire par une nouvelle bourrasque, haut, très haut… vers Bastia. Bastia, une cité enjouée avec sa citadelle, ses petites maisons italianisantes où pendait le linge au balcon. Ici, le Bon Dieu doit accorder bien plus d’un jour de soleil par semaine pour sécher chemises et pantalons, se dit Amélie. Mais l’orage savait avoir du tempérament. Au-dessus de Bastia, sur la rive orientale où la montagne jouait la carte du Tendre avec la mer, le cap Corse pointait un long index vers le nord… vers le continent à la fois chéri et haï, comme une injonction qu’on pourrait formuler ainsi : « Amélie, claque des doigts et rentre à la maison ! » Mais la montagne resta muette et la fillette, peu obéissante, entièrement projetée dans le paysage merveilleux qu’elle survolait. 

     Pourtant, le soleil s’était couché, les ténèbres recouvraient d’un voile noir le maquis. Et Maurice, un octogénaire plein d’allant, rentrait bredouille de la chasse. Toute la journée, il l’avait passée dans ce maquis qu’il aimait tant et où, depuis tant d’années, il traquait le sanglier. Caché derrière un vieux chêne, le fusil dans une main, un stylo-feutre dans l’autre, il ne cessait de contempler, lui aussi, un paysage qui célébrait les épousailles de la mer et de la montagne et qu’il retrouvait depuis le balcon de son palazzo, installé à quelques kilomètres du caveau de famille au toit de tuiles émaillées violettes. Un de ces caveaux où chaque Corse s’entraînait à tutoyer la mort. La contemplation l’avait rendu poète et, de retour chez lui, il clamait à qui voulait bien l’entendre :  

« Ô Vous qui voyagez, qui allez à Oslo,

À Florence, à Pékin et jusqu’aux Amériques,

Arrêtez-vous un peu en Corse, à Cagnano,

Vous serez éblouis par ce lieu féerique.

C’est mon petit Lyré où la nature est belle,

Ce sont mes souvenirs et c’est mon cœur d’enfant ;

C’est le chant des oiseaux, l’élégant asphodèle,

Un parfum de maquis, un châtaignier géant.

Après trente ans déjà, après tant de travail,

De retour au berceau, sous un ciel reposant,

Je contemple la mer, l’horizon ; quel vitrail,

Éclairé devant moi vers le soleil levant !

Où pourrais-je jamais mieux que dans mon village

Où je suis revenu, fier, le cœur palpitant,

Savourer les plaisirs que me procurent l’âge

La santé, le loisir, quand je n’ai plus vingt ans ?

Là, j’attends mes petits ; c’est la sève nouvelle

Qui fera reverdir et fleurir l’amandier.

Ils sont mon réconfort et ma joie, l’étincelle

Qui réchauffe mon âme et m’invite à prier. »

     Prenant alors conscience que, tout voyage, aussi beau soit-il, a une fin, Amélie claqua enfin des doigts pour se retrouver dans sa chambre. Quentin et Guillaume avaient investi son lit, attendant leur sœur comme le Messie.”


À toutes les étoiles dans le Ciel.

Aux bulles de savon de notre enfance
et à toutes les prochaines en partance vers le Ciel.

Aux notes de musique qui s’égrènent aussi en direction du ciel,
comme celles d’Olivia qui accompagne, au-delà de mes rêves,
la musique des mots, la vibration des régions.

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"Heureux qui comme Ulysse"...

Et si ensemble, nous entreprenions un beau et courageux Voyage qui mène ultimement aux frontières du profondément humain et de l'ultimement divin ? 

Merveilleuse journée et douce semaine,
Laurence 

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